TÉMOIGNAGE DE FLORIAN (novembre 2020)

Je suis un jeune homme de 31 ans et je suis membre des ABA depuis 2 ans. Je pense sincèrement que si je n’avais pas rencontré ABA je ne serai sûrement plus là pour raconter mon histoire.  

Durant mon enfance, la seule sortie familiale consistait à se rendre dans un fastfood pour y manger une glace. Je me souviens à quel point j’étais excité d’y aller et réclamais souvent cette sortie à ma mère. Ce moment me permettait alors déjà à l’époque de tout oublier, c’était une véritable parenthèse. J’avais l’impression que la vie était idéale, d’être un garçon idéal, dans une famille idéale…  

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu l’impression d’avoir ce mal être profond, ce mal de vivre, ce sentiment de ne pas être né au bon moment et au bon endroit. La nourriture m’a aidé dès très jeune à apaiser ce sentiment.  

Enfant, je pensais seulement être gourmand, mais il était déjà hors de question pour moi de rater un goûter. Ma famille me rappelle souvent que pour mes 8 ans, ils m’avaient fait croire qu’ils avaient oublié de m’acheter mon gâteau d’anniversaire et que j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps.  

Au collège, je faisais l’école buissonnière et je me rendais à l’ouverture de la boulangerie de mon village pour acheter des viennoiseries et des parts de pizza avec mon argent de poche et celui que je piquais dans le porte-monnaie de ma grand-mère. Ensuite, je m’installais devant la TV pour manger : j’avais trouvé mon refuge. À la moindre remarque de mes proches ou à la moindre frustration je me jetais sur le réfrigérateur pour me remplir et en me faisant du mal à moi-même j’avais alors l’impression de les punir.  

Au lycée j’ai gardé le même système de fonctionnement : la nourriture était mon doudou et les quantités ingérées augmentaient d’années en années. J’étais anxieux, stressé, et rempli d’idées noires.  La nourriture me donnait du courage pour réviser mes cours mais elle me permettait surtout d’affronter cette vie que je jugeais si difficile.   

Plus j’avançais dans les années et plus la situation se détériorait. Durant ma première année d’étude supérieure, je suis resté dans le logement familial, je me sentais tellement nul et incapable en cours qu’au bout d’un mois j’ai décroché et je faisais croire à mon entourage que j’allais en cours, mais en réalité j’usais de stratagèmes pour faire des crises. Lorsque ma mère travaillait, je faisais mine de sortir de chez moi pour revenir quelques heures après les bras chargés de nourriture. Lorsqu’elle était à la maison, je prenais le train pour la ville et je passais ma journée à faire le tour des fast-foods, des boulangeries, de rayons de biscuits et de glaces. Je passais mes journées à errer, cherchant l’aliment qui pourrait me rendre heureux. J’ai ensuite fui le cocon familial car je jugeais ma famille responsable de mes crises. Arrivé dans ma petite chambre d’étudiant, seul, je pouvais alors faire des crises sans avoir à me cacher.  

C’est seulement après avoir débuté un stage qui ne me plaisait pas que j’ai commencé à ne plus avoir d’appétit.  J’ai sauté sur l’occasion pour attaquer un énième régime, qui n’a pas duré. L’été suivant j’ai travaillé dans un fast-food et c’est au même moment que j’ai découvert qu’il était possible de se faire vomir. Cette période de boulimie avec vomissement a duré 4 mois : au départ je vomissais uniquement mes excès une fois par jour, mais très rapidement je vomissais une dizaine de fois par jour dès que je mangeais. Peu importe le lieu, l’heure ou les gens qui m’entouraient… Je vomissais au travail, sur le bord de la route… Ma seule motivation était de choquer mon entouragequ’il soit surpris par mon changement physique. En réalité je désirais être remarqué et surtout être aimé. Malheureusement, j’ai été déçu de la réaction de mon entourage : je n’étais pas parfait à leurs yeux et encore moins aux miens. Je me suis détesté de plus en plus.  

A partir d’un moment, je n’ai plus réussi à me faire vomir mais les crises de boulimie sont restées suivant le même schéma : je faisais la fermeture du fast-food, récupérant les restes et une partie de leur stock que je volais et je passais alors mes nuits à manger seul dans ma petite chambre devant la TV. Tous les soirs je me promettais de ne plus recommencer. J’avais l’impression d’être possédé. Je ne maitrisais plus rien, j’en voulais à la terre entière et ne voulais plus voir personne. J’étais seul et je n’arrivais plus à rien. Ma seule raison de vivre était la nourriture.  

Ma vie était chaotique, mon loyer n’était pas payé depuis plusieurs mois, je ne regardais jamais mon compte bancaire, je me contentais de retirer de l’argent pour mes crises et dès que je n’avais plus un centime, j’allais dans les magasins faire des chèques en bois pour me permettre de faire mes crises.  Ce mode de fonctionnement a duré un certain temps jusqu’à me conduire à un interdit bancaire. Je me suicidai à la bouffe, au fond, je savais que la nourriture finirait par me tuer.  

J’ai ensuite alterné avec des phases d’anorexie où je pratiquai au minimum 3 activités sportives par jour, ayant pour seul objectif de maigrir pour que ma famille soit fier de moi. Je me contentais alors d’un minimum de nourriture et d’un maximum de dépenses physiques. Je ne dormais que 4 h par nuit sous somnifère, et me réveillais par des crampes dans tout le corps. Je faisais payer à mon corps toute ces crises de boulimie passées. En l’espace de 6 mois j’avais perdu 70 kg et je ne savais plus vraiment qui j’étais.  

J’ai jonglé entre anorexie et boulimie pendant des années, avec des crises de plus en plus élevées en quantité et en nombre ainsi que des phases d’anorexie de plus en plus profondes. J’ai rejoint le programme des ABA suite à une fracture de fatigue du bassin, j’avais besoin d’aide, j’étais épuisé et je me réveillais chaque matin avec des douleurs dans toutes les articulations. Mes journées se résumaient  faire du sport et à manger.  

Dès ma première réunion ABA, je me suis directement senti à ma place dès le premier partage. Deux semaines plus tard j’avais la chance de participer à mon premier congrès à St Brieuc. Le week-end était riche en émotions, j’ai passé mon temps à pleurer tellement les partages me rappelaient mon histoire. Enfin, je n’étais plus seul.  

En revenant sur mon parcours, je peux dire que la nourriture a été pour moi bien plus qu’une béquille, elle était mon fauteuil roulant. En effet, bien que la nourriture m’ait conduit à de nombreuses mésaventures, elle m’a quand même permis de me maintenir en vie.  

Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de ce fauteuil que j’ai trainé des années comme un boulet. Avec les ABA, j’apprends quotidiennement à m’en défaire.  

Désormais, j’ai conscience que c’est une maladie que j’aurai probablement toute ma vie et qui est ancrée en moi.  Cependant je peux bien vivre avec et passer de bonnes journées, je ne me couche plus en espérant mourir dans la nuit mais en espérant que je vais vivre. En ABA j’ai découvert une nouvelle façon de voir la vie, et surtout que j’avais tout simplement le droit de vivre.  

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