Témoignage de Pauline

La plupart de mes souvenirs depuis l’enfance, tournent autour de la nourriture, de la haine de mon apparence physique et d’un sentiment très fort d’être coupée des autres et de ma vie. Je me suis toujours sentie très mal à l’aise dans ma peau : « horrible », « dégueulasse », « trop grosse », « vide », par rapport aux autres et j’ai cru trouver dans la nourriture un refuge à ce mal être.

Manger était une obsession. J’étais très attirée par les pâtisseries et les sucreries, interdites chez mes parents. J’ai alors développé une fascination pour les énormes gâteaux à étages, débordants de crème.

Dès que j’allais dans la cuisine, ne serait-ce que pour me servir un verre d’eau, mes parents me demandaient toujours « Qu’est-ce que tu vas encore faire là-bas ? » sur un ton de reproche. Le malaise autour de la nourriture et de l’apparence physique, était très ancré dans ma famille. Je n’étais jamais assez bien, toujours critiquée, comparée à mes amies, mes cousines, les mannequins des magazines etc.

J’ai développé un rapport à l’alimentation et à mon corps très violent et intense. Je mangeais tout le temps, souvent en cachette et je ne pouvais plus m’arrêter. J’improvisais même de la pâte à gâteau en mélangeant beurre, sucre, chocolat, farine, que j’ingurgitais crue. Tous les aliments étaient devenus dangereux : il fallait que je les mange, que je les dévore, que j’ingurgite, que j’avale. J’avais le sentiment d’avoir un monstre à l’intérieur de moi, insatiable. Les crises de plus en plus violentes s’accompagnaient de honte et d’un mal être encore plus grand. Cette sensation de n’être « qu’une merde » incapable de contrôler son assiette et son poids.

La bouffe était mon obsession, ma drogue. Je me demandais tout le temps, « Comment font les autres ? », « Comment font-ils pour avoir de la nourriture chez eux, sans tout dévorer ? ».

Je voyais bien que j’étais différente de mes ami(e)s dans mes comportements alimentaires et même dans tous mes comportements : dans mes études, au travail, dans mes relations, tout était difficile et violent.

J’ai vu beaucoup de médecins, fait de nombreuses recherches sur internet et lu pas mal de livres, ce qui m’a permis de comprendre que je souffrais de troubles du comportement alimentaire et de découvrir le terme de boulimique. Je n’ai jamais « réussi » à me faire vomir. J’avais bien identifié le problème, je comprenais que je ne devais pas être la seule à souffrir de ces troubles, mais je ne trouvais aucune réponse concrète à ce mal, aucun soutien, aucune solution pour m’en sortir et aller mieux. J’ai vécu des années comme cela, dans la souffrance, l’isolement de ma maladie et la douleur. Je me sentais étrangère à la vie, à ma propre vie.

Et puis, devenue adulte ça ne s’est jamais arrêté. J’attendais de ressentir une faim insoutenable avant de faire mon 1er  repas de la journée, vers 14h-15h. Je voulais faire un repas « healthy », ce que je faisais, puis ensuite c’était la dégringolade, je ne m’arrêtais plus de manger jusqu’au soir, tout y passait, mes courses de la semaine partaient en une crise, jusqu’à me faire mal au corps, mal au ventre. À me sentir comme une grosse boule qui ne pouvait plus bouger. La haine de moi grandissait, ainsi que la honte et la culpabilité. Je me promettais chaque jour « allez demain j’arrête », je me le martelais, mais rien ne se passait… J’attendais un miracle.

Cette maladie m’isolait des autres, m’empêchait de vivre et je ne m’en rendais pas compte. J’avais peur d’aller en soirée, d’aller à un entretien d’embauche, de rencontrer des hommes car je me trouvais trop grosse, idiote, nulle et avec un profond manque de volonté et je me sentais jugée par tout le monde, partout, tout le temps.

Et puis il y a 2 ans, j’ai déménagé, j’ai fait le choix de quitter la ville où je suis née et où j’ai toujours vécu, pour débarquer dans une ville que je ne connaissais pas, sans aucune attache. C’est à ce moment-là que j’ai découvert les Anorexiques Boulimiques Anonymes. J’ai vu qu’il y avait des réunions toutes les semaines. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, je n’en avais jamais entendu parler mais je me suis dit que je pouvais essayer, malgré mon appréhension et mes aprioris. Je n’avais rien à perdre.

Je suis allée à ma 1ère réunion dès le lendemain. Je n’étais pas très à l’aise et me demandais ce que je faisais là. Tout le monde semblait se connaître et avoir un langage commun qui m’échappait complètement. Lorsque la réunion a commencé, chaque partage m’a profondément touchée. Tout le monde a pris la parole à tour de rôle sans que personne d’autre n’intervienne. Pour la 1ère  fois de ma vie, je me sentais entourée de personnes qui me comprenaient et ne jugeaient pas mes comportements, même les plus « borderline ». Toutes leurs histoires résonnaient en moi. J’avais l’impression qu’elles parlaient de moi, de ma vie, de mon mal être. Je n’ai fait que pleurer. Je m’étais toujours sentie jugée jusqu’à présent, notamment par le corps médical et ma famille et là j’étais entièrement entendue, prise en compte dans mon mal être, mes souffrances, et le désir de m’en sortir.

Depuis, je vais toutes les semaines en réunion. J’ai découvert un lieu et des personnes qui savent exactement par quoi je suis passée et qui je suis, sans avoir à me justifier, ni m’excuser. Parfois je pleure, parfois je suis en colère, mais je ris aussi beaucoup en réunions, des petites anecdotes folles qui se produisent dans le quotidien, de l’identification si forte aux autres. Je suis rentrée en lien avec ce groupe, dont je découvre le fonctionnement petit à petit. J’apprends à vivre, à me reconstruire, à me rétablir, grâce au groupe, à l’identification et aux outils concrets proposés dans ce programme.

Mes crises de boulimie se sont envolées tranquillement : aujourd’hui l’obsession de la nourriture a disparu et je peux garder des aliments dans mes placards et mon réfrigérateur, sans tout ingurgiter en une seule fois. Même les aliments les plus « dangereux » pour moi comme le chocolat ou les gâteaux. Je ne croyais pas que ce serait possible un jour. Le vide en moi s’estompe petit à petit. Le lien aux autres devient chaque jour un peu plus facile. J’apprends tellement sur moi et mes comportements. C’est très dur à expliquer, mais les choses se font. Ma vie est beaucoup plus douce. Je trouve ici le cadre, la structure de vie, les solutions concrètes qui m’ont toujours manqué. Je me r après jour, entourée de bienveillance.

Ce n’est pas tous les jours facile, mais ça marche. Je crois que c’est l’identification aux autres qui est la plus bénéfique. Je ne me sens plus seule. J’ai aujourd’hui très envie de vivre.

Je suis boulimique et j’ai trouvé une solution pour vivre une vie sereine et responsable.

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